À l’heure où les mots « environnement », « développement durable » ou « soutenabilité » sont sur toutes les lèvres, je m’interroge sur les effets qu’opèrent ces mantras sur la production architecturale. Loin de nous aider à construire mieux, ces mots servent souvent de caution à la mise en place de systèmes plus polluants, plus fragiles et moins résilients que ne l’était la production des siècles passés.
Dans cet article, je vous expose quelle est ma vision d’une architecture vraiment durable.
Pour une durabilité intégrale
Lors de mon passage dans l’agence de Didier Repellin, j’ai approfondi ma connaissance du patrimoine. Le temps, le meilleur des juges, poursuivait sous mes yeux son œuvre de sélection : certains bâtiments passaient un, deux, trois siècles, parfois cinq, dix ou vingt sans rien perdre de leur pertinence. D’autres quoiqu’inscrits aux monuments historiques étaient déjà essoufflés par cent années d’existence. On les répare, mais il est clair qu’ils ne sont pas faits pour durer : trop mal construits, trop mal pensés, trop laids.
À travers cette multitude d’exemples a émergé un chemin que je veux parcourir avec vous : celui de la durabilité intégrale. C’est-à-dire une durabilité qui s’applique aux trois parties de l’architecture décrites dans cet article. En effet, si une œuvre architecturale est réussie par ce qu’elle arrive à faire coïncider la solidité, le confort et la beauté, elle ne peut prétendre à une véritable pérennité si la durabilité de ces trois aspects n’est pas garantie.
Solidité
La première des évidences est que pour prétendre faire une architecture durable, encore faut-il qu’elle ait les moyens physiques de cette durabilité. Une toiture en chaume, pour séduisant que soit le concept, ne peut prétendre à la même durabilité qu’une toiture de lauzes. De même, les maisons en carton, en plastique et autres matériaux « léger », sont condamnées à disparaître à brève échéance. Leur entretien devient de plus en plus complexe et couteux au fur et à mesure que le temps passe, et il s’avère souvent plus simple de les démolir que de les maintenir en vie.
Cette question de la matérialité est la partie émergée de l’iceberg, la plus évidente, et pourtant la plus délaissée des bâtisseurs qui cherchent à réduire le plus possible les coûts de construction. Les récents scandales du pont de Gène ou du balcon d’Angers nous montrent le prix à payer lorsqu’on néglige la substance même de l’architecture : sa matérialité.
Si construire léger peut paraître séduisant à court terme par a faible quantité de matière mise en œuvre, ce modèle est impossible à soutenir sur le long terme, car il implique une reconstruction continue du patrimoine, entraînant la mobilisation de ressources naturelles et financières importante.
Au contraire, une architecture construite « une bonne fois pour toutes » rendra de bons et loyaux services pendant des siècles. On investit plus pour dépenser moins.
Disposition
De bons et loyaux services à condition d’être capable de s’adapter. Une partie de l’architecture moderne s’est construite autour de la croyance que « la forme suit la fonction ». En réalité, la forme d’une architecture doit être capable d’assumer plusieurs fonctions. C’est la flexibilité fonctionnelle.
À ce titre, une organisation interne trop spécifique rend difficile la réhabilitation du bâtiment le mieux construit et le plus solide qui soit, car elle fige le bâti dans un usage unique, le rendant impropre à toute autre occupation. Pour assurer la pérennité de l’architecture, il faut aussi la penser dans son ordonnancement, dans sa structure organisationnelle.
L’architecture néo-classique du XVIIe siècle italien fut pour moi une école de pensée fondamentale. Cette réinterprétation de la conception antique de l’architecture a donné naissance à des bâtiments fortement structurés, capable d’absorber tous les changements d’usages. En nous appuyant sur l’abstraction du plan au sens pythagoricien, géométrique du terme, nous pouvons pérenniser l’architecture en la rendant capable d’accueillir plusieurs usages de manière simultanée ou consécutive. Un hôtel particulier peut devenir une ambassade, une école, un musée, des bureaux, ou être découpé en appartement sans intervention majeure et en conservant son aspect d’origine.
Ornementation
Aspect qu’il convient de travailler pour qu’il participe à la durabilité du bâtiment. En effet rien n’est pire qu’un bâtiment démodé.
Mais d’abord, précisons le mot. L’ornementation n’est pas seulement la décoration. C’est ce qui rend l’architecture agréable à regarder, à parcourir, à écouter.
Lorsqu’on aborde ce sujet par le biais de la pérennité, il nous faut trouver la solution au problème suivant : comment rendre un bâtiment appréciable pour la multitude des générations à venir. Quelles fondations seront assez solides pour nous porter à l’universel.
J’ai une approche classique de l’esthétique. Classique, c’est à dire qui cherche à s’affranchir des modes passagères pour s’ancrer dans une démarche à la fois rationnelle et sensible, loin des discours intellectualisant et conceptuels. Cette approche correspond selon moi à notre culture helléno-chrétienne, faite de ratio et de passio : de raison et de passion.
Une esthétique de la raison.
En recherchant l’harmonie, l’architecte qui manipule la mesure s’appuie sur la géométrie pythagoricienne. Le carré, le cercle, les rectangles dynamiques… cette boîte à outils constitue un cadre solide dans lequel l’imagination peut s’exprimer avec sûreté. En faisant de chaque partie du bâtiment la mesure du tout auquel elle participe, je vous propose une esthétique de paix qui entre en résonance avec les proportions présentes dans la nature.
Une esthétique de la passion
Mais parce que la beauté échappe à la loi des nombres, la géométrie serait trop sèche si elle ne servait de support à l’expression d’une sensibilité liée au maître d’ouvrage, à l’époque et à l’architecte. Comme un peintre plisse les yeux pour ajouter un coup de pinceau final, je ne perds pas de vue le but ultime d’une œuvre sensible : satisfaire notre perception du réel et créer l’émotion.
Quelle durabilité ?
Loin d’un simple greenwashing, mon approche de la pérennité cherche au contraire à aller au fond des choses et embrasser l’ensemble de la problématique. Cette conception théorique est libre de droits, et offre à chaque sensibilité la possibilité de s’exprimer.
Pour ma part, je privilégie les matériaux naturels les plus à même de rester en cohérence avec ma vision de l’architecture durable, en premier lieu desquels la pierre.
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